Malgré les limites exposées ci-dessus, il nous semble que cette recherche est cohérente dans son ensemble, et nous a ainsi amenés à valider ou infirmer nos propositions de recherche. Le sujet abordé nous a permis de mieux comprendre le contexte d’internationalisation dans le domaine des divertissements télévisés, et les nombreux éléments qui vont permettre d’effectuer un choix entre les différentes stratégies d’internationalisation.

Nous avons soulevé dans la première partie de ce Mémoire la montée en puissance du phénomène de Mondialisation, et les questions managériales qui en découlent en matière de stratégie d’internationalisation.

Le terme de « mondialisation » (aussi appelée « globalisation ») désigne le processus d’intégration des marchés qui résulte de la libéralisation des échanges, de la concurrence accrue et des conséquences des technologies de l’information et de la communication à l’échelle internationale. Elle donne naissance à une interdépendance croissante des économies et l’accroissement des interactions humaines et des échanges. Selon Théodore Levitt (1983), il s’agit de « la convergence des marchés qui s’opère dans le monde entier ».

Selon McLuhan (1962), les technologies électriques et la mondialisation ont transformé le monde en un grand village, induisant un mouvement instantané d’information d’un point à un autre de la planète, et créant ainsi une communauté unifiée, où il n’y aurait plus qu’une seule culture commune à tous. Cependant, lui-même a abandonné cette idée à la fin de ses publications : la mondialisation semble bien loin d’avoir créé une culture homogène à travers la planète, au contraire ; elle a parfois renforcé la tribalité de certains peuples.

Ce phénomène de mondialisation et la diversité culturelle qui demeure amènent les entreprises à devoir se repositionner dans un contexte international, lors de l’import ou de l’export de leurs produits. Quelle attitude adopter face à ces divergences culturelles ? Quelle stratégie d’internationalisation semble la plus pertinente ?

Comme l’indiquent Solberg et Durrieu (2008) dans leurs recherches, chaque stratégie d’internationalisation étudiée présente des avantages et des inconvénients. Il convient donc, pour chaque secteur d’activité et chaque entreprise, de considérer ces avantages et inconvénients, par rapport aux objectifs envisagés, pour déterminer la stratégie d’internationalisation la plus pertinente et la plus prometteuse.

La stratégie de standardisation se veut une solution économique en matière de coûts, mais destinée à être utilisée dans le cas où les besoins des différentes cibles seraient identiques. Cette stratégie permet de centraliser les processus de décision, mais se retrouve limitée lorsque les évolutions des différents marchés diffèrent.

La stratégie d’adaptation, permettant de répondre localement, et de façon spécifique, à des besoins divergents, induit néanmoins des coûts d’adaptation non négligeables. Cette stratégie est utilisée principalement lorsque la concurrence sur le marché cible est forte, et où la fidélisation du consommateur est essentielle.

Enfin, la stratégie contingente de standardisation adaptée se veut une solution économique, tout en permettant de répondre à des nuances dans les besoins de chaque cible locale. Tout en permettant de centraliser les processus de décision, elle permet une marge de manœuvre locale dans la réalisation.

Cette étude met en évidence que la stratégie la plus employée dans le domaine des divertissements télévisés est la stratégie de standardisation adaptée : les formats sont choisis à l’international pour leur succès, et son ensuite adaptés à la culture française, très particulière. Cependant, pour ce secteur particulier, cette stratégie ne semble pas moins chère que la stratégie d’adaptation : elle permet simplement de garantir des succès précédents à l’international, donc un plus faible risque financier en cas d’échec. Elle peut aussi se poursuivre au cours de plusieurs années, l’adaptation d’un format relativement standardisé intervenant touche par touche au cours des saisons, en fonction des attentes constatées du public ciblé.

Pour la domaine des divertissements télévisés, il a été confirmé que la stratégie de standardisation permet une économie de coûts, mais cette stratégie est souvent délaissée, d’une part car elle est synonyme de peu de moyens financiers, ce qui n’est pas bon pour l’image de la chaîne, et d’autre part car elle ne permet pas de s’adapter aux besoins précis des consommateurs français. C’était une stratégie utilisée au tout début de la téléréalité, maintenant abandonnée pour la standardisation adaptée et l’adaptation.

Lors des interviews avec les professionnels, et en particulier ceux qui travaillent ou ont travaillé dans une société de production, il s’avère que chaque chaîne ayant une spécialité, il semble possible d’importer sur le marché français n’importe quelle émission. Les chaînes télévisées jouent ici le rôle de canaux de diffusion ; chacune s’oriente vers un public bien précis, et est à la recherche de programmes particuliers. Avec la TNT et l’augmentation du nombre de chaînes, et par conséquent la segmentation du marché, il semble parfaitement possible d’importer n’importe quelle émission étrangère sur le marché français, sous réserve de choisir la bonne chaîne et d’adapter le format aux contraintes du marché local.

Cependant, les contraintes légales et contractuelles ne doivent pas être omises dans l’application de cette stratégie d’internationalisation. Nous venons de dire que les émissions devront être adaptées aux contraintes du marché français, car en effet outre la grille de programmation qui oblige déjà souvent à une première modification du format, les réalisateurs et diffuseurs n’ont pas le droit de diffuser ce qu’ils souhaitent ; ils doivent respecter certaines caractéristiques du format d’origine, comme prévu dans le contrat, et les règles fixées par le CSA dans le but de protéger le consommateur et l’industrie français.

La concurrence elle aussi joue un rôle important dans le choix de la stratégie d’internationalisation : si elle est forte, et que plusieurs chaînes visent un même public, il va falloir proposer un format répondant au mieux aux attentes des consommateurs, pour s’assurer qu’il n’y ait pas une fuite vers l’autre chaîne.

En résumé, les éléments à considérer lors du choix de la stratégie d’internationalisation des émissions de divertissement télévisées sont, d’après l’étude empirique : la culture et les attentes locales, la concurrence, la grille de programmation, les contraintes légales et contractuelles, le canal de diffusion (chaîne) et le segment de consommateurs auquel il s’adresse, et le risque financier. Tous ces éléments sont à prendre en compte pour une stratégie d’internationalisation performante.

D’après la littérature, plusieurs éléments doivent être pris en compte pour définir le degré jusqu’auquel l’adaptation d’un produit doit se poursuivre. Selon Katsikeas, Samiee et Theodosiou (2006), ces éléments sont les contraintes légales, l’intensité et la vitesse technologiques, les coutumes et tradition, les caractéristiques des consommateurs, l’intensité concurrentielle, et le stage du cycle de vie du produit.

Ces éléments ont bien été identifiés lors de l’étude empirique, à l’exception du stage de vie du produit. Cependant, on remarque aussi des éléments non évoqués dans la littérature, qui semblent impacter le degré de standardisation des émissions de divertissement télévisées en France : le canal de diffusion, et le risque financier.

La question des coûts a été abordée par Solberg et Durrieu (2008) : selon eux, une stratégie de standardisation permet des économies de coûts, mais un certain degré d’adaptation doit quand même être réalisé.

La question du canal de diffusion, quant à elle, a été abordée par Sustar (2001), le degré jusqu’auquel une entreprise va devoir adapter un produit dépendant selon lui du contrôle qu’elle exerce sur les canaux de diffusion. Dans le cas particulier étudié, l’entreprise s’avère être son propre canal de diffusion, et le contrôle est donc important. Néanmoins, un canal de diffusion s’oriente vers un certain segment de consommateurs, et les chaînes vont devoir en tenir compte. Lessassy (2008) souligne l’importance d’adapter la stratégie de distribution au produit considéré.

L’industrie télévisée française doit faire face à des nombreux changements dans les habitudes de consommation. Les séniors ont toujours été le public le plus présent, mais avec le développement de la télévision à la demande sur internet, les jeunes tendent à se retrouver de moins en moins devant le petit écran. Or tout un segment des émissions de divertissement télévisées, la téléréalité, très populaire depuis les années 2000, était à destination de ce public entre 15 et 34 ans. Par conséquent, il a fallu faire évoluer ce type de programmes vers un public plus âgé, et familial, de façon à rassembler à nouveau les français.

Il s’est aussi avéré dans ce Mémoire que chaque segment des émissions de divertissement télévisées (téléréalité, jeux, variété, etc.) doivent être pris séparément car ils ne s’adressent pas au même public. Par conséquent, ils ne connaissent pas les mêmes évolutions, ni nécessairement les mêmes stratégies d’internationalisation.

Enfin, il semble important d’étudier le poids du « feeling », du ressenti, dans le choix d’un programme ou son adaptation : « parfois il y a des formats qui ne marchent pas à 100% mais on essaye quand même car il y a quelque chose qui se passe, il y a un feeling ».

Bien que certains professionnels semblent se fier essentiellement aux données factuelles (pilotes, audiences chiffrées, etc.), d’autres évoquent cette variable comme un motif de choix, même si certains produits n’ont pas fait leurs preuves : « il y a des émissions qui cartonnent dans certains pays mais qui ne marchent pas forcément dans d’autres, je pense à Danse Avec Les Stars, qu’on a quand même choisi d’adapter et qui a marché. Je pense qu’il y a là une question de feeling ».

Cette question de feeling semble aussi intervenir dans le cas contraire, lorsqu’un programme marche à l’étranger, mais que l’adapter ne semble pas approprié : « Et le problème, c’est que des fois, quand quelque chose cartonne à l’étranger, on est très facilement tenté de l’adapter, même si on se dit que ça ne marchera pas ».

Un question peut se poser : est-ce que ce « feeling » viendrait compenser une certaine méconnaissance des attentes du marché ?

Ce Mémoire a pour objectif de fournir des informations sur un marché encore peu étudié dans la littérature. Ce travail pourra servir de base pour des recherches futures, indiquant des pistes de réflexion.

Cette étude semble mettre en avant une certaine méconnaissance des attentes précises du marché, ce qui accroît le risque d’échec lors de l’introduction d’un nouveau format, et limite donc grandement l’innovation sur le marché français. Nous pensons qu’il serait intéressant d’étudier d’où vient cette méconnaissance, si elle est due à une évolution constante de la demande de la part du public, ou plus simplement à la complexité des différents publics considérés.

D’autre part, les professionnels ont indiqué que les différents segments des émissions de divertissement télévisées mériteraient d’être distingués, car ils ne s’adressent pas aux mêmes segments de consommateurs. Il serait donc intéressant d’étudier chacun de ces segments et de leurs stratégies d’internationalisation séparément ; en effet par exemple pour les jeux, il semblait y avoir des divergences d’opinions entre les professionnels en ce qui concernait le choix de stratégie : certains soutenaient qu’il y avait énormément de créations, et d’autres que c’était le format le plus standardisé.

De plus, il pourrait être intéressant d’étudier les mêmes questions pour d’autres types de programmes, tels que les films ou les séries télévisées. Il semblerait que pour ce type de formats, la standardisation (changement de langue) soit de mise, mais on peut aussi visionner sur le petit écran des créations purement françaises.

 

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